Crédit immobilier : avec la hausse du taux d’usure, à quels taux s’attendre dans les mois à venir ?
De nombreux acteurs du secteur immobilier déploraient ces derniers temps de voir le taux d’usure modifié seulement une fois par trimestre. Ils ont finalement eu gain de cause : celui-ci évoluera désormais chaque mois, à partir de ce 1er février, jusqu’en juillet, a confirmé la Banque de France le 20 janvier dans un communiqué. Les nouveaux taux d’usure seront publiés fin janvier.
Ce dispositif, qui plafonne le coût du crédit, a été institué pour protéger les emprunteurs, puisque aucune banque ne peut vous prêter au-delà de ce niveau. Depuis le 1er janvier, c’est par exemple, 3,57 % pour un crédit souscrit sur vingt ans ou plus (assurance et frais divers compris). Les taux d’usure sont calculés par la Banque de France, sur la base de la moyenne des taux accordés durant les trois mois précédents, relevée d’un tiers.
Le calcul trimestriel a contribué à ralentir la hausse des taux des crédits, depuis le printemps dernier. Au point de pousser les banques à moins prêter, alors qu’elles ont vu leurs coûts de refinancement (les taux auxquels elles empruntent elles-mêmes une partie de l’argent qu’elles prêtent) augmenter avec le durcissement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne.
Les courtiers plaidaient depuis l’été 2022 pour une révision du mode de calcul de l’usure. Mais, jusqu’il y a encore quelques semaines, le gouverneur de la Banque de France s’était montré inflexible sur le sujet. Estimant que le volume de crédits accordés demeurait satisfaisant (218 milliards d’euros de nouveaux prêts ont été accordés en 2022, hors renégociations), il n’avait pas souhaité utiliser le pouvoir, que lui accorde la loi, de proposer au gouvernement de déroger temporairement au calcul normal du taux d’usure.
Après l’annonce des chiffres de décembre 2022, en nette baisse (14,5 milliards d’euros de prêts accordés), la Banque de France a finalement changé de position. Elle « a pu observer, notamment s’agissant des derniers mois de l’année, des variations dans la répartition de la distribution du crédit, avec un effet de seuil à l’intérieur de chaque trimestre. Certains dossiers, dans l’attente de la prochaine hausse trimestrielle significative du taux d’usure, sont ainsi reportés au début du trimestre suivant », se justifie l’institution.
La mensualisation du calcul avait été confirmée le 12 janvier, au lendemain d’une concertation réunissant la Banque de France, Bercy, des représentants des banques et des courtiers. Elle « respecte pleinement l’esprit protecteur de la loi, tout en permettant un ajustement plus fin des taux de l’usure pendant les mois à venir », juge la Banque de France.
L’objectif annoncé est de cette mesure temporaire est d’éviter cet effet de « stop and go » de la distribution du crédit constaté par les professionnels, donc de la lisser sur le trimestre. La modification est toutefois à la marge, puisque le calcul, qui sera désormais réalisé tous les mois, restera effectué sur la base des taux pratiqués les trois mois précédents.
4 % cet été ?
Quel sera l’impact pour les emprunteurs ? « Il devrait y avoir une légère accélération de la remontée des taux », estime Pierre Chapon, cofondateur du courtier Pretto. La différence est de l’ordre, environ, d’un ou deux dixièmes de point de pourcentage par mois, selon des simulations qu’il a transmises à la presse le 12 janvier.
Le taux moyen des prêts à l’habitat accordé en décembre 2022 est estimé à 2,04 % par la Banque de France et à 2,34 % par l’Observatoire Crédit logement/CSA. D’après M. Chapon, il atteindrait 4 % cet été, « si par ailleurs le taux des OAT sur dix ans reste globalement stable » [les OAT, obligations assimilables du Trésor, sont des titres d’emprunt de l’Etat, leur niveau sert traditionnellement de référence aux banques pour fixer les taux des crédits qu’elles accordent]. Même prévision pour Julie Bachet, directrice générale du courtier Vousfinancer qui juge qu’il « vaut tout de même emprunter à 4 %, surtout avec une inflation à 6 %, que de ne pas pouvoir obtenir un crédit ».
« Cela devrait permettre à certaines banques qui avaient fortement ralenti leur production de crédit de revenir sur le marché, notamment en Ile-de-France », commente de son côté Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux.
Si le taux d’usure a fait couler beaucoup d’encre depuis le printemps 2022, la question qui devrait s’imposer rapidement en 2023 devrait être davantage celle du pouvoir d’achat immobilier des ménages. Leur capacité à acheter une même surface diminue mathématiquement au fur et à mesure que le coût du crédit se renchérit. Un recul qui, pour l’heure, n’est pas contrebalancé par une baisse des prix immobiliers de la même ampleur. « Pour compenser 1 % de hausse des taux des crédits sur le pouvoir d’achat immobilier des ménages, il faut une baisse d’environ 7 % à 8 % des prix des biens », explique Guy Poyen, le directeur marketing du Crédit agricole Ile-de-France.
Le taux d'usure poursuit sa remontée
Pour un crédit sur 20 ans ou plus, il dépasse désormais les 3,50 %, niveau qu'il n'avait plus atteint depuis fin 2016
« Avec ou sans la mensualisation du calcul, la question de l’usure aurait de toute façon été derrière nous à la fin du deuxième trimestre. Mais le crédit ne va pas devenir plus accessible pour autant », confirme M. Chapon. Rappelons que le taux d’endettement des emprunteurs est – autre dispositif protecteur – limité à 35 % de leurs revenus, en règle générale. Une limite qui sera à l’avenir plus rapidement atteinte, avec la hausse des taux.
« Il va falloir oublier le million de transactions immobilières par an », souligne Mme Bernier. Le nombre de ventes immobilières enregistré ces dernières années, et donc le nombre de crédits accordés, ont en effet atteint des niveaux très élevés, dans un contexte de crédit très bon marché. Une période révolue.
LE MONDE - Par Aurélie Blondel - Publié le 20 Janvier 2023
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