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Crédits immobiliers : ce qu’a changé la loi Lemoine sur l’assurance emprunteur


Publié le 01 March 2023


Dans quelques jours, Christophe, 48 ans, changera d’assureur pour son crédit, souscrit à l’achat de sa maison, il y a dix ans. « Les médias avaient beaucoup parlé de la loi Lemoine l’an dernier [en 2022], je me suis finalement lancé en décembre. La démarche a été un peu fastidieuse, mais doit me faire économiser 4 000 euros sur les dix dernières années du prêt », se réjouit-il.

Promulguée il y a tout juste un an, au terme d’un feuilleton législatif à rebondissements, la loi Lemoine du 28 février 2022 a autorisé le changement d’assurance de prêt à tout moment, sans frais, à partir du 1er septembre 2022. Il était jusqu’ici possible de le faire durant la première année du contrat, puis une fois l’an, à l’anniversaire de celui-ci.

« C’était le bon moment pour introduire ce droit alors que pointaient les problématiques de pouvoir d’achat », estime la députée Renaissance de Seine-et-Marne Patricia Lemoine, qui a porté la loi avec l’objectif de booster la concurrence. Dans nombre de cas, les contrats de groupe vendus par les bancassureurs à la signature du prêt sont en effet plus chers que les contrats aux tarifs plus individualisés souscrits hors banque, « en délégation ».

 

La loi a aussi interdit aux assureurs, dès le 1er juin 2022, de soumettre l’emprunteur à un questionnaire de santé s’il a moins de 60 ans à la fin du prêt et que le montant assuré ne dépasse pas 200 000 euros. L’idée : permettre à tous les emprunteurs, quel que soit leur état de santé, d’être couverts dans les mêmes conditions, sans surprime ni exclusion de garanties.

Ces nouveautés ont été vécues comme un big bang par les acteurs de ce marché aux 11 milliards d’euros de cotisations annuelles. L’enjeu financier est colossal, tant pour les bancassureurs, qui dominent largement le marché avec 88 % des cotisations, que pour les assureurs externes, qui louchent sur ce gros gâteau depuis des années, et les courtiers. Lors des débats qui ont accompagné le vote de la loi, les assureurs des deux camps ont brandi la menace de graves effets collatéraux.

 

L’ouverture du marché va accentuer la démutualisation, c’est-à-dire l’individualisation des tarifs, et donc engendrer des hausses de prix pour les mauvais profils d’emprunteurs, disaient les banquiers.

Les assureurs externes expliquaient, eux, que la fin du questionnaire de santé doperait les prix pour les jeunes clients empruntant moins de 200 000 euros, car il faudrait bien répercuter l’absence des primes et exclusions, mais aussi le risque d’« antisélection » : que des personnes se sachant sur le point de mourir ou d’arrêter de travailler empruntent pour profiter (eux ou leurs héritiers) du remboursement par l’assureur.

« Raz de marée »

« On nous annonçait des effets dramatiques, mais aucun acteur ne s’est effondré et le dispositif fonctionne », tacle aujourd’hui Mme Lemoine. S’il est trop tôt pour mesurer la mutation du marché, de premiers impacts sont déjà constatés. Au premier rang desquels une nette hausse des résiliations – « un raz de marée », commente David Echevin, PDG du cabinet de conseil en assurance Actélior. « Avant la loi Lemoine, le changement d’assureur concernait environ 1 % des encours de prêts, mais fin 2022, c’était plus de 3 %. »

 

De quoi réjouir les assureurs externes. « Nous étions sur une croissance annuelle de chiffre d’affaires de 10 % sur l’assurance emprunteur, c’est 40 % à 50 % ces derniers mois », pointe Gilbert Chahine, directeur général de l’épargne, retraite et prévoyance individuelle d’Axa France. Le président d’April, Eric Maumy, évoque des souscriptions qui « ont doublé ». Allianz France rapporte une hausse de production de 30 % à 35 %.

 

Mouvement confirmé par Alain Roussel, directeur de l’assurance emprunteur et de la prévoyance de Crédit agricole Assurances : « Les substitutions ont été multipliées par deux ou trois en septembre, désormais c’est moins, mais le niveau reste élevé. Difficile de savoir où cela va se stabiliser. » La part de la délégation devrait atteindre 30 % dans quatre ou cinq ans, prédit Actélior.

Si des banques étaient jusqu’ici accusées de mettre des bâtons dans les roues des clients souhaitant résilier, la situation s’améliore. Certes, le délai de réponse de dix jours qu’elles doivent respecter pour répondre à la demande de substitution n’est pas systématiquement tenu (en pratique, c’est plutôt vingt-six jours en moyenne, d’après M. Maumy). Mais « elles jouent plus le jeu qu’avant, même si certains acteurs traînent encore les pieds », raconte Isabelle Delange, directrice générale de Sécurimut, filiale de la Macif.

Hausse des prix en délégation

Autre impact : les assureurs en délégation ont souvent relevé leurs tarifs pour les crédits « Lemoine », sans sélection médicale. Actélior estime que 80 % l’ont fait, en moyenne de 20 % à 25 %.

« La suppression du questionnaire de santé a éteint la lumière sur les risques, et nous n’avions pas les marges des banquiers pour l’absorber », lance M. Maumy, annonçant, pour April, une hausse moyenne de 17 %. C’est 10 % à 15 % pour Allianz.

« Chez Axa, nous avons diminué de 10 % à 15 % en moyenne nos tarifs pour les crédits hors Lemoine mais sur le segment Lemoine nous avons dû les augmenter de 20 % en moyenne », détaille M. Chahine, précisant rester « malgré tout compétitif par rapport aux banques ».

 

Ces décisions sont toutefois provisoires. « Difficile de dire si c’est assez, le recul est insuffisant et l’échantillon pas assez représentatif », souligne M. Chahine. D’autant que la période récente a été marquée par une baisse de la production de crédits immobiliers. « Les tarifs pourront remonter un peu ou rebaisser, le marché se cherche », décrit Pierre Vaysse, directeur de l’écosystème Ma Santé chez Allianz France.

Outre ces évolutions tarifaires, des courtiers estiment que les assureurs ne se bousculent pas sur le marché « Lemoine » : « Sur notre simulateur, c’est flagrant, vous aurez dix propositions pour un prêt de plus de 200 000 euros, mais trois pour un montant inférieur… », témoigne Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia.

Chez les bancassureurs, le discours est tout autre, un gel des tarifs a souvent été acté. « Avec nos partenaires La Banque postale, Boursorama et BPCE, nous avons décidé de ne pas augmenter les prix. La mutualisation des risques nous permet de prendre en charge la sursinistralité », dit Guillaume Kuch, directeur des activités emprunteur de CNP Assurances. « C’est notre responsabilité sociétale de ne changer ni nos tarifs ni nos garanties, même si le surcoût reste difficile à évaluer », insiste M. Roussel.

Moins de dérogations

« A la banque, les tarifs catalogue n’ont globalement pas évolué », confirme M. Echevin. Avec un bémol : « Certains entendent accorder moins de dérogations (réductions sur le tarif normal), ce qui revient à augmenter les prix. » Il anticipe toutefois une contre-offensive plus franche des banques, qui « devraient baisser leurs tarifs dans les années à venir ».

 

Reste la question du respect de « l’esprit de la loi »… La fin du questionnaire de santé permet-elle vraiment à tous les emprunteurs d’être assurés dans les mêmes conditions s’ils entrent dans les critères, ou les assureurs ont-ils rusé pour contourner ce principe ? C’était la crainte des associations de patients, et elles ne semblent pas rassurées.

« On nous remonte que dans certains contrats, les pathologies déjà connues de l’emprunteur ne sont pas couvertes », fustige Isabelle Huet, directrice générale de RoseUp, qui défend et informe les femmes atteintes de cancer. « Ou que des assureurs conseillent à leurs clients en bonne santé de déclarer avoir déjà un prêt en cours pour dépasser les 200 000 euros, car c’est l’encours total assuré qui compte. Ils ont ainsi un questionnaire de santé, et un meilleur prix. » Le risque à ses yeux : « concentrer les mauvais risques sur les contrats Lemoine et plomber l’évaluation du dispositif ».

Des pratiques courantes ? Selon M. Echevin, « très peu d’acteurs excluent des maladies préexistantes, la plupart craignent de voir ces exclusions retoquées en justice ». Sans ajouter formellement d’exclusions aux contrats, l’assureur peut toutefois refuser certains profils lui paraissant risqués, en configurant le simulateur, « un acteur aurait adopté cette stratégie », poursuit-il.

Le marché doit être scruté dans le cadre du rapport d’évaluation de la loi que prépare, pour janvier 2024, le Comité consultatif du secteur financier. A l’heure du premier bilan, Mme Lemoine se dit « très vigilante », surtout sur les exclusions. « Nous sommes en train de voir s’il est possible de les contrer. »

 

LE MONDE - Par Aurélie Blondel - Publié le 1er Mars 2023

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