Partager sur

Le modèle de tourisme d’Airbnb a métamorphosé certaines villes en France, comme Nice ou La Rochelle !


Publié le 21 octobre 2025

La bicyclette bleue est à peine plus grande qu’une draisienne. Arrimé à un arceau sur le port de La Rochelle, ce vélo d’enfant est devenu un symbole : celui du bras de fer entre la mairie et le monde des « Airbnb ». Son cadre est bardé de boîtes à clés. Jean-Antoine Montcho, son propriétaire, responsable d’une conciergerie, le déplace régulièrement pour ses clients, qui y récupèrent la clé du logement dans lequel ils vont séjourner. « J’ai trouvé cette solution, car, dans certaines copropriétés, les boîtes à clés se font systématiquement arracher, et les serrures connectées ne s’adaptent pas à toutes les portes », explique celui qui gère 27 Airbnb à La Rochelle, et travaille aussi comme agent immobilier.

C’est Marie Nédellec, adjointe (divers gauche) au maire de La Rochelle, qui a fait connaître ce petit vélo sur son compte Instagram durant l’été. « Il est symptomatique d’un modèle de tourisme qui détourne des logements rares et précieux pour les habitants, et d’un système qui essaie en permanence de contourner les règles », soupire-t-elle. Récemment, Jean-Antoine Montcho est allé récupérer son petit vélo à la fourrière. L’antivol avait été sectionné. Un acte qui traduit la division de la population rochelaise sur la location touristique.



D’un côté, des habitants qui tentent de réguler le système, appuyés par des défenseurs du droit au logement, des collectifs antibruit ou antitouristification des villes. De l’autre, des propriétaires qui revendiquent leur droit à se dégager ce complément de revenu ou à investir dans ce secteur, et qui contribuent, à travers leur offre d’hébergement et les impôts qu’ils paient, à l’économie touristique. Voilà les termes d’un débat qui ne fait que s’envenimer, alors que les locations de courte durée, proposées sur Airbnb, Booking, LeBonCoin, Abritel, ou Gens de Confiance, n’ont jamais été aussi nombreuses en France. En cette fin 2025, la plateforme Airbnb compte 54 200 annonces « actives » (avec au moins une nuit réservée ou ouverte à la réservation dans le mois) à Paris, d’après les données extraites du site par le cabinet AirDNA, mais aussi 10 700 à Marseille, 10 100 à Nice, 5 600 à Lyon, 4 500 à Toulouse…

Au cœur de ce débat figure un enjeu : celui du logement pour les habitants, alors que ce système est accusé de siphonner une partie du parc pour le réserver aux voyageurs. Airbnb conteste ce diagnostic, affirmant que l’impact des locations saisonnières sur la pénurie de logements, dans les métropoles et les villes touristiques, reste « marginal », en dehors de « quelques zones très tendues ». « Les causes principales de la crise du logement sont le manque de constructions neuves et le nombre très important de logements vacants », fait valoir Clément Eulry, directeur d’Airbnb France.


A trois heures de TGV de Paris, La Rochelle fait partie des villes touristiques qui ont vu leur marché immobilier transformé ces dernières années. « Juste après la pandémie de Covid-19, on a vu arriver énormément d’acquéreurs : il y a eu une ruée sur les petites surfaces du centre-ville. Ce sont des personnes qui voulaient investir dans la pierre. Elles louent sur Airbnb la plus grande partie du temps, et y séjournent quelques week-ends par an », explique Mickael Gauduchon, directeur d’une agence immobilière sur le port. Des télétravailleurs occasionnels, des retraités, ou de purs investisseurs, qui ont profité de prix d’achat au mètre carré raisonnables dans de vieux bâtiments.

« Vraie pénurie de biens »
Dans le même temps, des propriétaires qui avaient l’habitude de louer avec un bail classique ont basculé dans ce système de la location de courte durée, bien plus rentable, avec moins de risques d’impayés, plus de souplesse. Aujourd’hui, la municipalité estime à « 6 000 » le nombre de meublés touristiques, dont 85 % de résidences secondaires. Les étudiants, les travailleurs saisonniers, les familles éprouvent de grandes difficultés pour se loger à La Rochelle, que ce soit en location où à l’achat – car les prix n’ont cessé d’augmenter. « Les meublés touristiques ont eu un fort impact sur le marché. Depuis cinq ans, il y a une vraie pénurie de biens disponibles, en particulier pour les petites surfaces », confirme-t-on à l’agence Benoit Immobilier, sur le port de La Rochelle.


Surtout, la demande touristique est là : la ville a enregistré, en 2024, près de 3 millions de nuitées de voyageurs. Séduit par une offre de meublés touristiques bon marché et commode pour les groupes et les familles, un nouveau flux de visiteurs est arrivé à La Rochelle, et s’est ajouté à la clientèle des autres hébergements touristiques. Sans Airbnb, Annemette O’Shaughnessy aurait-elle eu le réflexe et les moyens de partir en week-end dans le port charentais ? Cette Irlandaise est venue avec son mari et sa fille pour assister à un match de rugby et découvrir la ville. Elle loge dans un appartement près du port, loué sur la plateforme. « C’est beaucoup mieux qu’un hôtel, car on peut avoir notre espace, un salon, se faire à manger », explique-t-elle.


Cet accroissement du nombre de touristes conduit à des pics de fréquentation que dénoncent de plus en plus les habitants. Mais aussi à une transformation des commerces. Marie-Christine Etienne, assistante sociale à la retraite, dresse la liste des boutiques ayant fermé récemment dans le centre-ville : « Le magasin d’optique, la boutique pour animaux, la cordonnerie, une épicerie, une quincaillerie… A la place, on a de la restauration rapide, des coffee-shops, une boutique de cookies. »

Selon elle, la ville s’est montrée trop gourmande, multipliant les grands événements, concerts ou congrès, conduisant à un afflux de visiteurs qui saturent la ville. « Avant, on avait du monde à certaines périodes précises. Depuis la fin du Covid, c’est toute l’année. Il y a toute une nouvelle population de voyageurs qui font la fête, remplissent les bars : les nuisances sonores n’ont jamais été aussi importantes. Alors, quand je vois qu’à la gare Montparnasse [à Paris], il y a des publicités pour faire venir les gens à La Rochelle, ça me désole. »

 

« Zéro vie sociale »
Peu à peu, les liens sociaux se transforment. « Je suis le seul habitant de mon immeuble », évoque Guillaume Thébault, 34 ans, architecte à La Rochelle, qui vit dans une rue commerçante proche du port. Tous les autres appartements – cinq au total – ont peu à peu été transformés en locations de courte durée. Ses voisins sont différents chaque semaine. Il rencontre plus souvent des livreurs Uber Eats dans sa cage d’escalier. « J’ai zéro vie sociale dans mon immeuble. Je suis le témoin d’une ville qui se transforme sous l’effet de l’ubérisation de la société », affirme-t-il.


Les habitants et ces voyageurs temporaires n’ont pas les mêmes priorités, pas le même rythme. Conflits autour du bruit, de la gestion des poubelles, des boîtes à clés… « Dans le centre, les appartements sont souvent mal isolés, alors il y a souvent des voisins qui vont se plaindre », reconnaît Jean-Antoine Montcho. Il y a peu, un habitant d’un immeuble l’a appelé, car « un enfant courait » dans un appartement que sa conciergerie gère. Chacun devient de plus en plus intolérant…

« Je pense que le fait de savoir que c’est un touriste agace davantage ! Il y a peut-être aussi un peu de jalousie entre voisins », dit-il. Les cas problématiques sont très rares, selon lui. « Une fois, j’ai dû intervenir pour chasser 15 personnes qui avaient organisé une soirée libertine dans un appartement, et faisaient beaucoup de bruit, fenêtre ouverte. Une autre fois, j’ai eu un cas de prostitution, avec des tas d’allées et venues. L’écrasante majorité du temps, tout se passe bien. »

« Habiter dans un décor »
Deuxième ville touristique de France, Nice aussi s’est transformée. Dans la rue Catherine-Ségurane, les antiquaires ont laissé la place à une multitude de cafés avec terrasses et des pâtisseries de luxe « où les gâteaux coûtent 9 euros », dit en s’étranglant Nathalie (qui n’a pas souhaité donner son nom), 51 ans, couturière, qui habite ici depuis toujours et milite depuis peu au sein des collectifs antibruit de la ville. « Je ne supporte plus le quartier, fulmine-t-elle. Je n’ai plus de voisins, ce ne sont que des “airbnbistes”. Dans ma copropriété, un investisseur vient de faire une offre pour un petit T2 à 300 000 euros alors que l’appartement avait été évalué 220 000 euros. »

A quelques pas de là, Sandra (qui n’a pas souhaité donner son nom), enseignante de 56 ans, membre du Collectif Bonaparte antibruit, du nom de cette rue piétonnisée et très festive, sillonne le quartier en pointant les façades d’immeuble : « Tous ces appartements-là, avec un bloc de climatisation et la petite table bistro sur le balcon, ce sont des Airbnb. Les logements ont été divisés pour aménager plusieurs meublés, explique-t-elle. Ici, on a l’impression d’habiter dans un décor. » A en croire le premier adjoint (Horizons) à la mairie de Nice, chargé du logement, Anthony Borré, la ville recenserait « 20 000 annonces de meublés touristiques, utilisés de manière intensive ». Or, souligne-t-il, « si la cité manque de policiers, de soignants, de professeurs, c’est parce qu’on n’arrive pas à les loger ». A la tête de sept agences immobilières Century 21 à Nice, Benjamin Mondou confirme cette pénurie de logements. « Je reçois une soixantaine d’appels par jour d’étudiants et de familles, souvent parisiennes, qui cherchent à louer pour s’installer ici. Ils ont le budget, souligne-t-il, mais il n’y a pas de stock disponible. »

Les quartiers les plus prisés des touristes, le Vieux Nice et la promenade des Anglais, ont perdu 7 % de leurs habitants entre 2014 et 2020, tandis que la population de la ville progressait de 2 %. Dans ces secteurs, les meublés sont détenus à 70 % par des investisseurs, avance la mairie. Au numéro 1 de la rue Bonaparte, sept boîtes à clés sont fixées sur le mur de l’immeuble. La ville leur fait pourtant la chasse, et en a déjà décroché 577. « Le schéma classique, c’est une foncière qui achète un immeuble à un monopropriétaire, le rénove, puis revend les appartements à des investisseurs », observe Benjamin Mondou, qui commercialise ce type de biens. « C’est une bonne formule, estime-t-il, car les voyageurs n’embêtent pas des habitants à l’année. »



La loi Le Meur-Echaniz sur la réglementation des meublés de tourisme, promulguée en novembre 2024, donne aux collectivités différents outils pour mieux réguler le système. Elles commencent d’ailleurs à s’en emparer de plus en plus. Le Pays basque a déjà procédé à un tour de vis, tout comme Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), Annecy, Avignon… Depuis fin septembre, à La Rochelle, pour chaque appartement qui n’est pas une résidence principale, le propriétaire devra « compenser » les mètres carrés « perdus » par la transformation d’un autre bien (bureau, commerce…) en logement.

 

Une démarche qui vise à faire renoncer les propriétaires à s’engager dans de telles dépenses, donc à louer leur bien avec des baux de longue durée. La ville donne aussi la possibilité aux propriétaires d’opter pour un « bail étudiant » de huit ou neuf mois : un système qui permet à un propriétaire d’avoir un jeune de septembre à juin, puis trois mois de location de courte durée sur les plateformes. Une forme de compromis, pour ménager les propriétaires.

Régime de « compensation »
Même les communes les plus favorables à la location de courte durée commencent à changer leur fusil d’épaule, comme Cannes (Alpes-Maritimes). La municipalité, dirigée par David Lisnard (Les Républicains), s’était toujours montrée favorable aux meublés de tourisme, considérés comme une « opportunité pour les propriétaires de résidences secondaires de rentabiliser leurs biens, et un vecteur de rénovation du parc de logements », argue Karin Topin-Condomitti, directrice générale des services. Pourtant, la commune instaurera des quotas en 2026, pour plafonner le nombre de locations saisonnières dans deux quartiers de l’hypercentre, et y préserver l’habitat permanent.

A Nice, qui instaurera également des quotas en 2026, un régime de « compensation » est à l’œuvre depuis la fin de 2018. Un véritable marché s’est formé entre, d’un côté, des promoteurs, qui transforment des bureaux ou des commerces en logements – et, à ce titre, créent des « titres de commercialité » – et, de l’autre, des investisseurs « Airbnb », acheteurs de ces titres, qui leur permettent de continuer leur activité. Le cabinet Alkiméo s’est créé dans la foulée pour jouer le rôle d’intermédiaire. Les prix de ces titres, tirés par la demande, ont plus que doublé en six ans. « Il faut aujourd’hui investir 30 000 à 40 000 euros en compensation pour un studio », détaille Grégoire Avargues, le fondateur d’Alkiméo, qui reçoit « 20 à 30 demandes de compensation par mois de la part de propriétaires de meublés ».


La nouvelle loi permet aussi aux copropriétés d’interdire ce type de location (à la majorité des deux tiers), dès lors qu’il ne s’agit pas d’une résidence principale. De plus en plus de copropriétés commencent à s’en emparer. Avec sa casquette de syndic, le Niçois Benjamin Mondou propose à ses immeubles en gestion de voter ou non, en assemblée générale, contre la location de courte durée. « Et 75 % des copropriétaires n’en veulent pas », constate-t-il.

Le point commun entre les plateformes de meublés touristiques, de VTC, de trottinettes, ou les dark stores, dit Emmanuel Grégoire, député (Parti socialiste) de Paris, « c’est leur installation massive et très rapide, à l’aide de capitaux très puissants, dans des vides juridiques. Le temps d’en prendre la mesure, de comprendre les effets pervers et de promulguer une loi, on se prend la vague sur la tête, et on est emporté dans des cycles de six à dix ans ». Reste à voir si les nouveaux outils de régulation, dont se sont emparés des maires de gauche comme de la droite la plus libérale, permettront de redonner de l’oxygène aux villes.

 

LE MONDE - Par Véronique CHOCRON & Jessica GOURDON - Publié le 21 Octobre 2025

AZUR METROPOLE IMMOBILIER - Nice - Roquebrune Cap Martin - Locations saisonnières sur Nice - Octobre 2025

French Riviera Real Estate - Seasonal rentals in Nice - Airb'Nb - October 2025

Nos Coordonnées

TRANSACTION

  • 04 89 08 98 70
  • agence@azurmetropole.com
  • 9 Rue Georges ville
    06300 NICE
  • 163 avenue Louis Pasteur
    06190 ROQUEBRUNE CAP MARTIN

GESTION LOCATION

Nous suivre sur

Se connecter

Nos partenaires

Ils nous ont fait confiance