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Logement : un marché de la location durablement grippé !


Publié le 30 August 2023


C’est un été qui n’a ressemblé à aucun autre. Dans son agence immobilière Laforêt du 11e arrondissement de Paris, Samantha Néro ne « rentre » plus qu’un appartement à louer par semaine, dans le meilleur des cas. « Il y a beaucoup moins d’offres de location et de turn-over dans les logements que les années passées, témoigne-t-elle. Mais, en revanche, je reçois une dizaine de demandes par jour de personnes en recherche d’un appartement. » Pour chaque nouvelle annonce mise en ligne, elle obtient « une centaine d’appels et autant de mails dans les deux heures qui suivent ». « Je filtre, dit-elle, je n’organise jamais plus d’une dizaine de visites, pour ne pas donner de faux espoirs à plus de monde. »

A la tête de huit agences Laforêt dans l’Est parisien, Laurent Da Costa confirme la pénurie. « Pour la première fois depuis que j’ai ouvert, en 2007, on perd plus d’appartements en gestion qu’on en rentre, constate-t-il. Lorsqu’un locataire part, beaucoup de propriétaires mettent en vente leur appartement. » Ses clients « avaient déjà eu du mal à digérer l’encadrement des loyers », désormais, c’est la perspective du couperet du diagnostic de performance énergétique (DPE) qui les pousse à vendre.


« Les petites surfaces à louer dans les quartiers de Paris où sont installées mes agences, ce ne sont quasiment que des étiquettes F ou G. La rentabilité locative à Paris était déjà faible, mais elle va être nulle pour les propriétaires qui doivent réaliser de gros travaux de rénovation énergétique pour pouvoir continuer à louer, explique le responsable d’agences. Les bailleurs ont aussi du mal à trouver des entrepreneurs quand ils veulent faire des devis, les matériaux coûtent très cher… Bref, ils préfèrent vendre. »

« Amorce d’une baisse des prix »
Depuis le 1er janvier, les pires passoires thermiques sont interdites à la location. Cette interdiction concernera tous les biens classés G en 2025, les F en 2028 et les E en 2034. Des mesures destinées à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre, loin d’être anodines : en Ile-de-France, 2,3 millions de résidences principales avaient, en 2018, un diagnostic de performance énergétique classé E, F ou G. Soit 45 % du parc francilien de résidences principales.

L’investissement locatif a perdu de son attrait. « Nous ne vendions plus ces derniers mois que des résidences principales dans nos agences, souligne Laurent Da Costa. Mais, depuis le début du mois d’août, on perçoit un frémissement, les investisseurs semblent revenir sur le marché, avec l’amorce d’une baisse des prix de l’immobilier. Peut-être que l’effet DPE commence aussi à être digéré. »


La loi sur les passoires énergétiques est toutefois loin d’expliquer à elle seule l’ampleur des difficultés rencontrées par les locataires à trouver un logement dans les grandes villes françaises et les zones littorales attrayantes.

La brusque hausse des taux d’intérêt a en effet bloqué de nombreux ménages dans leur projet d’accession à la propriété, qui n’ont pas d’autre choix que de rester locataires, et ne libèrent plus leurs logements. Pour lutter contre l’inflation galopante, qui s’est installée depuis le début de la guerre en Ukraine, la Banque centrale européenne (BCE) a effectué la hausse de taux d’intérêt la plus rapide de son histoire. Les banques répercutant ces hausses au fil des mois, le taux moyen des crédits immobiliers est ainsi passé de 1,06 %, en décembre 2021, à 3,61 %, en juillet 2023 (hors assurances), selon l’Observatoire Crédit Logement CSA.

 

Durcissement des conditions de crédit

Les candidats à l’achat subissent ce durcissement des conditions de crédit et la grande frilosité des banques, alors que les prix tardent à s’ajuster. « Les ménages sont désolvabilisés, observe Pierre Madec, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Pour compenser la hausse des taux d’intérêt, il faudrait que les prix de l’immobilier baissent de 20 %. » Nous en sommes loin : selon Century 21, principal réseau d’agences en nombre de transactions, le prix moyen au mètre carré des appartements n’a amorcé qu’une baisse de moins de 2 % (sur douze mois), au premier semestre – mais un recul plus marqué, de plus de 6 %, à Paris.


« Le marché locatif privé est toutefois en crise depuis bien plus longtemps, depuis la déconnexion entre les prix de l’immobilier, qui ont explosé à partir des années 2000, et le niveau des loyers, qui ont été de plus en plus encadrés, pour tenter de limiter la paupérisation des locataires », avance Pierre Madec. La politique fiscale d’Emmanuel Macron – la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière et la « flat tax » (prélèvement forfaitaire unique) — a également pesé, estime l’économiste.


Le manque de logements à louer s’explique aussi par la transformation massive d’appartements en meublés touristiques, portée par le succès d’Airbnb : la France comptait plus de 800 000 locations saisonnières fin 2021 (+ 18 % par rapport à l’année précédente).

« Louer son appartement en Airbnb permet de faire beaucoup de sous, mais ces logements-là sortent du marché. Aujourd’hui, tous les signaux sont au vert pour ce type de locations : on gagne 2,5 à 3 fois plus qu’avec une location classique, et c’est facile pour la logistique, car il y a des conciergeries, détaille Guillaume de Vergie, responsable d’une agence immobilière Laforêt à Rennes. Et les revenus bénéficient d’un impôt réduit. »

« J’ai du mal à comprendre la fiscalité très favorable »
Les loueurs de meublés touristiques classés bénéficient en effet d’un abattement forfaitaire de 71 % (jusqu’à 176 200 euros de recettes), contre 50 % pour les meublés classiques, et seulement 30 % pour les locations classiques vides (dans la limite de 15 000 euros de loyers). Un avantage aujourd’hui sur la sellette. « J’ai du mal à comprendre la fiscalité très favorable qui s’applique aujourd’hui à Airbnb », a reconnu le 9 juin dernier le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, sur RMC-BFM-TV. Une mesure corrective pourrait figurer dans le budget pour 2024.

Adèle (son prénom a été changé), 20 ans, étudiante originaire d’Orléans à la recherche d’un logement à Paris, a finalement renoncé à passer par une agence immobilière. « J’ai essayé, j’ai trouvé une copine avec qui on pourrait louer en colocation, mais soit notre dossier était recalé, soit le logement n’était pas satisfaisant, soit il y avait dix personnes sur le palier et on savait qu’on ne serait pas retenues, car notre dossier était moins bon que les leurs », témoigne-t-elle.

Après un mois de déconvenues, elles font le choix de la banlieue. « On a trouvé en deux semaines à Saint-Denis [Seine-Saint-Denis], par la plate-forme La Carte des colocs. Un coup de chance, l’annonce venait d’être publiée, dit la jeune femme. Mais, à un moment, j’ai pensé à faire tous les jours l’aller et retour entre Orléans et Paris, j’étais découragée. »


Conséquence de cette pénurie, les loyers ont augmenté, en particulier pour les petites surfaces convoitées par les étudiants au cours de l’été et jusqu’à la veille de la rentrée. Une étude de la société PriceHubble, qui a analysé des annonces publiées sur les principaux portails immobiliers, a constaté des hausses de loyer pour les studios de + 6,5 % à Paris, + 6,2 % à Bordeaux, + 4,8 % à Strasbourg, + 4,6 % à Marseille, + 4 % à Lille ou + 4,2 % à Nantes, entre le 1er juillet 2022 et le 30 juin (charges comprises).

Soit une progression souvent supérieure au « bouclier loyer » mis en place par le législateur, plafonnant la hausse des loyers à 3,5 % maximum, pour limiter l’impact de l’inflation sur le budget des ménages. Un signe que l’encadrement des loyers à la relocation n’est pas toujours respecté.

Tentatives d’arnaques
L’insuffisance de l’offre dans les villes attrayantes et le désarroi des candidats à la location alimentent les tentatives d’arnaque (faire payer en avance pour un logement qui n’existe pas) et les exigences démesurées de certains propriétaires. « Certains me demandaient à la fois la garantie Visale [caution publique] et celle de mes parents, ce qu’ils n’ont pas le droit de faire », souligne Adèle.

Face à cette crise, que propose le gouvernement ? Rien qui soit de nature à détendre réellement le marché, déplorent les professionnels du logement. La première ministre, Elisabeth Borne, a bien annoncé, le 12 juillet, une augmentation de 66 % du budget annuel de MaPrimeRénov’, dispositif phare d’aide à la rénovation des logements (porté de 2,4 milliards à 4 milliards d’euros pour 2024), mais le gouvernement a contrebalancé ces efforts par une réduction de voilure du prêt à taux zéro (PTZ) et la fin de la niche fiscale Pinel, destinée aux particuliers réalisant un investissement locatif dans l’immobilier neuf. Un dispositif critiqué, très coûteux pour l’Etat et mal ciblé, mais qui permettait de soutenir l’acquisition de près de 40 000 logements neufs affectés à la location dans les zones tendues, chaque année.


Le parc HLM est lui aussi soumis à un régime d’économies. Malgré les 2,4 millions de ménages en attente d’un logement social, Bercy ne souhaite pas une accélération de la construction de logements sociaux. L’exécutif mise plutôt sur le logement locatif intermédiaire (avec des loyers réglementés inférieurs de 10 % à 15 % aux prix du marché), un parc qui jusqu’à présent a peiné à se développer.

Il veut également jouer sur la vacance. Un décret vient ainsi d’être publié, le 26 août, afin que plus de 2 000 communes de moins de 50 000 habitants, sous tension (déséquilibre entre offre et demande de logements), puissent majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et appliquer une taxe sur les logements vacants. Une possibilité jusqu’ici réservée aux agglomérations de plus de 50 000 habitants.

« Loger les gens nécessite de faire des choix. Celui d’une France de propriétaires, avec des mesures comme le PTZ ou la déduction des intérêts d’emprunt sous Nicolas Sarkozy, ou bien le choix de développer le parc locatif, privé ou social. Mais, aujourd’hui, on perçoit mal la voie politique empruntée par le gouvernement, estime Pierre Madec. Ce que l’on constate, c’est un chemin d’austérité pour la politique du logement. »

 

LE MONDE - Par Véronique Chocron - Publié le 30 Août 2023

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